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Le Jardin d'une PSY

Découverte d'articles scientifiques récents, réflexions et débats sur divers sujets ou spécialités : la crise sanitaire "COVID-19"; l'Approche Multidisciplinaire de l'abus sexuel, l'inceste, les maltraitantes (abus psychologique, sexuel, ...), violence familiale et conjugale; les Personnes "toxiques", les Troubles alimentaires;.... Des sujet écrits par moi, par d'autres qui se veulent d'être des outils de travail, de partage, d'information..., Carine Duray

ASPECT MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE RELATIF À L’ÉPIDEMIE DU CORONAVIRUS : MISE EN PLACE D’UNE STRATÉGIE DE SOUTIEN POUR LE PERSONNEL SOIGNANT PAR LES MÉDECINS COORDINATEURS DANS LES MAISONS DE REPOS ET DE SOINS EN BELGIQUE OU EHPAD EN FRANCE ET IMPACT PSYCHOLOGIQUE POUR LES RÉSIDENTS DE CES MAISONS DE REPOS ET DE SOINS PRIVÉES ET PUBLIQUES, SYNDROME DE GLISSEMENT

Publié le 19 Octobre 2020

ASPECT MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE RELATIF À L’ÉPIDEMIE DU CORONAVIRUS : MISE EN PLACE D’UNE STRATÉGIE DE SOUTIEN POUR LE PERSONNEL SOIGNANT PAR LES MÉDECINS COORDINATEURS DANS LES MAISONS DE REPOS ET DE SOINS EN BELGIQUE OU EHPAD EN FRANCE ET IMPACT PSYCHOLOGIQUE POUR LES RÉSIDENTS DE CES MAISONS DE REPOS ET DE SOINS PRIVÉES ET PUBLIQUES, SYNDROME DE GLISSEMENT

MEDICO-PSYCHOLOGICAL ASPECT RELATING TO THE CORONAVIRUS EPIDEMIC : IMPLEMENTATION OF A SUPPORT STRATEGY FOR NURSING STAFF BY COORDINATING DOCTORS IN REST AND CARE HOMES IN BELGIUM AND IN FRANCE AND PSYCHOLOGICAL IMPACT FOR THE RESIDENTS OF THESE PRIVATE AND PUBLIC NURSING AND CARE HOMES, SLIP SYNDROME

Carine DURAY-PARMENTIER (a), Dr Jean-Baptiste LAFONTAINE (b), Noémie NIELENS(a)

(a) Centre de Psychothérapie de Namur, Vedrin (b) Maison médicale de La Plante, Namur

Acta Psychiatrica Belgica * N°120/3 * 2020 * 32-37

Résumé

Plus d’un tiers de l’humanité est actuellement soumis à des mesures de confinement du fait de la pandémie de coronavirus. Le confinement a été instauré dans de nombreux pays pour plusieurs semaines. Les autorités sanitaires sont sur le pied de guerre face à un virus encore mystérieux et pour lequel elles sont amenées à en informer la population tout en étant confrontées à beaucoup d’inconnues concernant le Covid-19. Dès lors, qu’en est-il de la santé mentale ? Que peut engendrer une situation de confinement auprès de la population placée en quarantaine ? Quel impact psychologique ce confinement va-t-il avoir sur nos aînés hébergés en Maisons de Repos et de Soins en Belgique ou en EHPAD en France ? Actuellement, nous n’avons pas encore connaissance d’articles francophones déjà publiés sur les aspects médico-psychologiques liés au coronavirus auprès de la population. Nous allons tenter, au travers de cet article, d’aborder la question médico-psychologique du personnel soignant au sein des Maisons de Repos et de Soins et l’impact psychologique des résidents ainsi que « le syndrome de glissement » chez la personne âgée.

Mots-clés : coronavirus, Covid-19, pandémie, personnes âgées, maisons de repos, EHPAD, personnel soignant, syndrome de glissement.

 

Abstract

More than a third of humanity is currently under containment due to the coronavirus pandemic. Containment has been in place in many countries for several weeks. Health authorities are on the warpath against a still mysterious virus and for which they are brought to inform the population while being confronted with many unknowns concerning the Covid-19. So, what about mental health? What can generate a situation of containment with the population in quarantine? What psychological impact will this confinement have on our elders who are accommodated in Rest and Care Homes in Belgium or in EHPAD in France? Currently, we are not yet aware of French-language articles already published on the medical- psychological aspects related to the coronavirus among the population. We will try, through this article to approach the medico-psychological question of the nursing staff within the Nursing Homes and the psychological impact of the residents and slip syndrome.

Key words: coronavirus, Covid-19, Pandemic, Elderly people, Rest homes, EHPAD, Caregivers, slip syndrome.

Samenvatting

Meer dan een derde van de mensheid is momenteel onde- rworpen aan inperkingsmaatregelen als gevolg van de corona- virus-pandemie. Inperking is in veel landen gedurende enkele weken vastgesteld. De gezondheidsautoriteiten bevinden zich op het oorlogspad in het licht van een nog steeds mysterieus virus en waarvoor ze ertoe worden gebracht de bevolking te informeren terwijl ze worden geconfronteerd met veel onbe- kenden over de Covid-19. Dus hoe zit het met geestelijke ge- zondheid? Wat kan het gevolg zijn van een inperkingssituatie met de bevolking in quarantaine geplaatst?

Welke psychologische impact zal deze opsluiting hebben op onze ouderlingen gehuisvest in rust- en verzorgingshuizen in België of in EHPAD in Frankrijk? Momenteel zijn we ons nog niet bewust van Franstalige artikelen die al zijn gepubliceerd over de medisch-psychologische aspecten die verband hou- den met het coronavirus onder de bevolking. Via dit artikel zullen we proberen de medisch-psychologische kwestie van het verplegend personeel binnen de rust- en verzorgings- huizen en de psychologische impact van de bewoners en het "glijdende syndroom" bij ouderen aan te pakken.

Trefwoorden : coronavirus, Covid-19, pandemic, ouderen, rusthuizen, EHPAD, caregiver staff, slip syndroom.

INTRODUCTION

Plus d’un tiers de l’humanité est actuellement soumis à des mesures de confinement du fait de la pandémie de coronavirus. De nombreux pays ont demandé à la population de s’isoler dans leur maison. La quarantaine (ou le confinement) a été instaurée plusieurs semaines durant, l’individu ne pouvant sortir qu’exceptionnellement. Les décisions sur la manière de suivre la quarantaine doivent être appliquées par les gouvernements sur les meilleures preuves disponibles (études réalisées sur d’autres épidémies que l’on peut découvrir dans les revues scientifiques telles que le « Lancet » ou le « NEJM »)1. Les autorités sanitaires sont sur le pied de guerre face à un virus encore mystérieux et pour lequel elles sont amenées à informer la population tout en étant confrontées à beaucoup d’inconnues concernant le COVID-19. Dès lors, qu’en est-il de la santé mentale ? Que peut engendrer une situation de confinement auprès de la population placée en quarantaine ? Quel impact psychologique ce confinement va-t-il avoir sur nos aînés en Maison de Repos (MR) et Maison de Repos et de Soins (MRS) privées et publiques en Belgique ou en EHPAD (Hébergement pour personnes âgées dépendantes) ou USLD (Unité de soins de longue durée) en France ? Les sentiments de solitude et d’isolement sont ressentis de façon plus intense. En effet, cette situation exacerbe obligatoirement des angoisses qui, lorsque l’on n’est pas en situation de confinement, sont généralement diluées dans des actes et des relations quotidiennes de la vie. Aujourd’hui, les répercussions psychologiques du confinement vont-elles dépendre de la durée ? Peut-on considérer qu’elles se majorent après une dizaine de jours de confinement ? Il semble important que les pouvoirs publics puissent donner une échéance claire quant à sa duréeD’une façon générale, les angoisses se développent à partir de craintes que l’on peut former par rapport aux maux et à la contagiosité du coronavirus. Mais aussi à l’égard de notre santé en général, celle de nos proches et plus particulièrement sur ce qu’on a pu faire de notre vie jusque-là. Actuellement, nous n’avons pas encore connaissance d’articles francophones déjà publiés sur les aspects médico-psychologiques liés au coronavirus auprès de la population. Nous allons tenter, au travers de cet article, d’aborder la question médico-psychologique du personnel soignant au sein des Maisons de Repos et de Soins et l’impact psychologique des résidents en maison de repos.

QU’EN EST-IL SUR LE PLAN MEDICO-PSYCHOLOGIQUE ?

L’impact psychologique de la quarantaine en maison d’hébergement chez nos aînés

Les Maisons de Repos et de Soins- MRS (Belgique) ou EHPAD (France) - ont longuement fonctionné en adaptant une fonction de « maison de vie ». La crise sanitaire actuelle a transformé ces « maisons de vie » en « maisons de mort ». C’est toute une vision de l’accompagnement de la personne âgée et des soins gériatriques qui est remise en question. L’hébergement pour la personne âgée (MRS ou HEPAD) va devoir s’adapter à l’avenir pour réagir de façon plus efficace à toute nouvelle épidémie. Le confinement est une expérience souvent désagréable pour ceux qui la subissent. La séparation d’avec des êtres chers, la perte de liberté déjà liée au placement est encore plus ressentie et renforcée, l’incertitude quant à l’état de la maladie et l’ennui de ne plus voir ses proches, créent des effets dramatiques pour la personne âgée encore plus ou moins valide résidant dans une institution2. En première ligne, les équipes de soignants ne ménagent pas leurs efforts pour sauver leurs résidents et doivent parfois, dans l’isolement le plus total, prendre des décisions difficiles. Les pouvoirs publics ont dû reconsidérer la situation des hébergements pour personnes âgées, suite à l’augmentation du nombre de décès dans ces Maisons de Repos que ce soit en France ou en Belgique. Au-delà du degré de contagion et du taux de mortalité du coronavirus, la crise actuelle est aussi la conséquence d’un sous-investissement chronique dans les établissements médico-sociaux. Les professionnels des Maisons de Repos et de Soins ou d’EHPAD, comme les professionnels des hôpitaux, ont maintes fois sonné l’alerte sans pour autant avoir été entendus3. Les premiers constats relevés sont que le « confinement » semble mettre en danger le lien social mais aussi le lien d’attachement4. En effet, comme la personne âgée ne peut plus voir ses proches, sa santé mentale n’en est que plus fragilisée. Et tout ce qui va déstabiliser les repères temporels et sociaux de l’individu va faire augmenter son angoisse1. Dès lors, chez les personnes âgées, qu’il faut protéger au maximum du coronavirus, en évitant de leur rendre visite, l’isolement n’est pas sans conséquences. Nous savons que cette situation peut mener à la dépression ou à des décompensations psychiques. D’autant que plusieurs études (issues de la revue Lancet, 14/03/2020)ont montré que le fait de rester socialement actif après 60 ans serait protecteur contre le risque de démence. Chez les personnes déjà très vulnérables, plusieurs médecins ont alerté contre le « syndrome de glissement »5, un état de détresse psychologique pouvant être fatal. Pour d’autres, l’enjeu est de préserver leur autonomie, car la perte de muscles engendrée par la baisse d’activité physique ou une mauvaise alimentation peuvent les faire entrer dans une zone de « fragilité ». Par ailleurs, le moindre recours aux soins, entre la peur de contracter le virus chez le médecin et la téléconsultation pas toujours adaptée pour cette population, entraîne l’arrivée aux urgences de personnes âgées avec des maladies chroniques plus sévèrement décompensées que d’habitude comme, par exemple, les insuffisances cardiaques3,6.

Comment élaborer un canal d’aide pour le personnel soignant en Maison de Repos et de Soins (ou EHPAD) ?

En janvier 2020, l’Organisation Mondiale de la Santé a annoncé que la flambée du Coronavirus constituait une urgence de santé publique de portée internationale. Dans les structures de Maisons de Repos et de Soins (publiques et privées) et EHPAD sont prises en charge des personnes souffrant d’incapacités physiques ou mentales (Alzheimer, déficiences mentales, autisme) dont certaines sont très âgées. Les résidents de ces établissements constituent des populations vulnérables exposées à un risque plus élevé d’issues défavorables. Ces personnes sont également plus susceptibles d’être infectées car elles vivent en contact étroit avec d’autres personnes. Dès lors, les Maisons de Repos et de Soins et EHPAD ont dû prendre des précautions particulières pour non seulement protéger leurs résidents mais également le personnel soignant7. Une coordination des systèmes et des services afin de prodiguer des soins de longue durée a été mise en place avec les autorités pertinentes comme le ministère de la santé, de la protection sociale et de la justice sociale dans le but de garantir la continuité des soins dans les Maisons de Repos et de Soins en Belgique et EHPAD en France, mais également d'apporter un soutien supplémentaire si le coronavirus est confirmé chez une personne âgée résidant dans une structure pour aînés. Une liste de Maisons de Repos et de Soins en Belgique (échantillon repris en région namuroise) ainsi que de toute structure privée ou publique a été recensée afin de savoir qui sont les médecins coordinateurs référant à ces structures. Pour les structures privées, des médecins coordinateurs ont été nommés pour intervenir dans les protocoles concernant la période COVID-19. 

Les stratégies de soutien pour le personnel soignant en Maison de Repos et de Soins (Belgique) ou en EHPAD (France)

Toutes les maisons de repos (Belgique) et EHPAD (France) subissent un manque aigu de matériel de protection (masques FFP2, tabliers de protection, visières, ...) avec des situations à risque grandissantes et des cas suspects toujours plus nombreux. En Belgique, faisant face à un absentéisme grandissant de personnel craignant la contamination, les Maisons de Repos et de Soins « bricolent » en attendant, faute de mieux, des visières, des masques en tissu, des surblouses, des lunettes qu’elles reçoivent par le biais de dons de particuliers ou de bénévoles via des postes médicales de gardes de différentes provinces ou les CPAS. Les Médecins coordinateurs ont demandé une forme de priorité pour le dépistage, à l’instar du personnel hospitalier, vu le risque de létalité des résidents. Dès lors, le Ministère fédéral de la Santé en Belgique et en France a signifié que le personnel soignant des Maisons de Repos ou EHPAD nécessaire aux soins sera testé en priorité en cas de troubles respiratoires, afin de pouvoir être ramené rapidement en soin en cas de test négatifLes maisons de repos confinées sont alors coupées de l’extérieurDès qu’un foyer COVID s’est propagé, la distanciation sociale peut conduire à la détresse voire à la désespérance de la personne âgéePeu médiatisée à ce jour, la question de structures intermédiaires doit être analysée8. Afin de soutenir le personnel soignant, l’orientation de la lutte anti-infectieuse dans les établissements de soins de longue durée dans le contexte de la COVID-19 a instauré différentes mesures dont l’éloignement physique dans l’établissement afin de limiter la propagation du virus. Entre autres, il a été décidé de restreindre le nombre de visiteurs et d’interdire l’accès aux familles pendant le confinement sauf pour les résidents en soins palliatifs. Un protocole de protection est alors mis en place afin que la famille puisse accompagner le mourant. Mais cela se pratique au cas par cas et ces décisions varient d’une région à l’autre car beaucoup de Maisons de Repos et de Soins fonctionnent encore à huis clos pendant le confinement. Au sein de l’établissement, il est préconisé d’assurer une distance d’au moins un mètre entre les résidents. Inviter les résidents et les soignants à éviter tout contact (poignées de mains, embrassades ou bises)Il est essentiel d’identifier, d’isoler et de soigner de façon précoce les cas positifs au Covid-19 afin de limiter la propagation du virusDès lors, en collaboration avec le médecin coordinateur référent de la Maison de Repos, il a été prévu, à l’instar des décisions sanitaires prises dans d’autres pays, de séparer les secteurs de la maison de repos en deux : secteur COVID et secteur NON-COVID. Les soignants devront alors appliquer les précautions contre la transmission par contact et par gouttelettes lorsqu’ils s’occupent du résident, entrent dans sa chambre ou se trouvent à moins d’un mètre de lui. Le matériel médical spécifique est assigné au personnel de la santé s’occupant des cas cliniques COVID et ne peut être échangé avec les sections non contaminées. En Région Wallonne (Belgique), l’AVIQ, l’Agence wallonne pour une Vie de Qualité, a choisi de partager 66.700 tests en deux groupes : 50 % des tests ont été orientés vers des maisons de repos qui représentent de gros clusters, des maisons de repos qui ont déjà 50 ou 60 cas de résidents qui sont soit des cas possibles ou des cas confirmés Covid-19 puis les 50 autres pourcents sont orientés vers les plus petits clusters en Maisons de Repos, c’est-à-dire qui ont moins de 6 cas possibles ou confirmés. Selon les responsables de l’AVIQ, en Belgique, la moitié des maisons de repos en Wallonie sont considérées comme des « gros clusters » : des établissements comptabilisant un grand nombre de patients ou membres du personnel contaminés ou pouvant l’être. Dans les maisons de Repos et de Soins ou les EHPAD, l’objectif est de détecter plus vite les résidents et les membres du personnel soignant qui ignorent être contaminés, car ils sont asymptomatiques afin de pouvoir réaliser une meilleure organisation du travail et permettre à ces structures moins touchées par le coronavirus de ne pas l’être plus. Pour l’ensemble de la Belgique, 3.806 résidents de maisons de repos ont été testés positifs au Covid-19 en avril 2020, sur un total de 25.055 tests : 1.076 étaient symptomatiques et 2.730 asymptomatiques. Les maisons de repos ont payé un lourd tribut depuis le début de l’épidémie de coronavirus, avec 3.678 décès estimés/confirmés, sur un total de 6.917 morts en Belgique, selon les derniers chiffres communiqués le 14 avril 2020 par les autorités sanitaires9.

IMPACT PSYCHOLOGIQUE DU PERSONNEL SOIGNANT EN MAISON DE REPOS ET DE SOINS /EHPAD

Facteurs de stress chez le personnel soignant en Maison de repos et de soins et EHPAD

L’épidémie, comme toutes celles qui ont précédées ailleurs dans le monde (SRARS, Ebola, H1N1,...), ont des répercussions psychologiques notables et durables tant pour le personnel soignant que pour la population elle-même. Il importe d’anticiper et de prendre en charge le personnel soignant des différentes structures hospitalières et des Maisons de Repos et de Soins ou EHPAD ou établissements de Santé mentale. La peur d’être contaminé, de mourir et de contaminer les autres, renforcée par les incertitudes entourant l’épidémie (symptômes, mode de contamination) activent les facteurs de stress pendant le confinement. La durée de la quarantaine supérieure à dix jours et une prolongation au-delà de la durée initialement annoncée majore l’impact psychologique du confinement (crainte de perte financière, par exemple). Selon le Dr Abgrall et son équipe du CUMP (Cellule d’Urgence Médico- Psychologique) de Paris10 des symptômes de stress aigus et durables tels que des angoisses, des troubles du sommeil, une perte d’appétit, de la fatigue, de l’irritabilité, de la colère, une difficulté d’attention, une morosité et une dépression peuvent survenir. Ces symptômes sont comparables à des symptômes de « stress post-traumatiques ». Une étude chinoise sur les effets de l’épidémie du coronavirus estime que les symptômes sont comparables à ceux d’une traumatisation vicariante (traumatisme par procuration). Il s’agit des changements profonds subis par le soignant qui établit des rapports d’empathie avec des malades du COVID-19. Des articles parus dans le Lancet sur l’impact psychologique du confinement rapportent des symptômes de « stress aigus » ou de « stress post-traumatiques », y compris pour des enfants, bien que le confinement ne soit pas considéré comme une situation traumatisante dans le DSM V1,11,14.

Dispositifs de soutien spécifiques aux soignants

Il est important d’offrir des dispositifs de soutien spécifiques aux soignants (infirmiers, aides-soignants, médecins hospitaliers ou généralistes), y compris le personnel confiné, accessibles à distance et ouverts à tout le personnel. Et surtout de protéger les soignants en première ligne, en les incitant à faire des pauses, en organisant un roulement des équipes et en gardant à l’esprit les facteurs protecteurs soulignés dans l’étude chinoise (formation, volontariat), sans oublier que l’impact psychologique sur ces soignants peut se manifester avec retard après la crise sanitaire15. La durabilité des effets du confinement incite à prévoir un maintien des dispositifs de soutien psychologique au-delà de la période de confinement. En Belgique (tout comme en France), le Service Publique Fédéral de la Santé et divers Managers Psycho-Sociaux ont mis en place un « Comité de Coordination Psychosociale » appelée CCPS. L’objectif est de mettre l’accent sur une communication rationnelle et sans ambiguïté de la part de tous les services impliqués selon les différentes provinces : campagnes de communication, aide psychosociale par téléphone, service externe pour la prévention et la protection au travail (SEPPT). Le lien « Copsycovid19.be » est un collectif de psychologues et thérapeutes belges formés à la relation d’aide proposant un soutien psychologique gratuit à court terme par téléconsultation aux personnes vivant des difficultés face à la situation actuelle de la crise sanitaire, citoyens et professionnels du secteur social-santé et, pour les médecins et les médecins en formation, la création d’un numéro vert et une page d’accueil « aide psychique aux médecins pendant la crise covid-19 » leur est également attribuée. La France a également mis en place des structures identiques pour le personnel soignant. Le réseau 107, Réseau Santé Wallon en Belgique, a mis à disposition pour les personnes fragilisées par la situation de crise sanitaire leur service de première ligne coopsy.be16. L’AVIQ et la Fédération Wallonne des Service de Santé mentale (FéWaSSM) ont lancé, dès le 6 avril 2020, un soutien psychologique destiné à épauler les professionnels de l’aide et de la santé qui agissent en première ligne dans les hôpitaux, dans les structures psychiatriques, les Maisons de Repos, les services pour personnes en situation de handicap ou fragilisées, les centres de planning. Ce service gratuit est composé de psychologues, de psychiatres, assistants sociaux et autres professionnels, qui apportent non seulement une écoute mais aussi une prise en charge psychologique de première ligne et une réorientation pour des suivis à plus long terme si nécessaire17.

IMPACT PSYCHOLOGIQUE POUR LES PERSONNES AGEES EN MAISON DE REPOS

Surmortalité des personnes âgées en maison de repos et de soin ou EHPAD

La surmortalité de nos aînés s’explique par le fait qu’ils souffrent souvent de plusieurs maladies chroniques : diabètes, pathologies cardio-vasculaire ou cancer qui rendent l’organisme plus vulnérable. Selon une autre étude parue dans le New England Journal of Medicine, une proportion élevée de cas graves à critiques et un taux de mortalité élevé ont été observés chez les patients âgés COVID-19. Une progression rapide de la maladie a été notée chez les personnes décédées avec un temps de survie médian de 5 jours après l’admission en milieu hospitalier. La dyspnée, la lymphocytopénie, les comorbidités, y compris les maladies cardiovasculaires et les maladies pulmonaires obstructives chroniques, et le syndrome de détresse respiratoire aiguë étaient prédictifs de mauvais résultats. Une surveillance étroite et un traitement rapide ont dû être effectués pour les patients âgés à haut risque. Une autre étude menée par des chercheurs de l’Université de la « London School of Economics » établit, dans une fourchette de 42 % à 57 %, le taux de décès lié au COVID-19 survenus dans les Maisons de Repos ou EHPAD de cinq pays étudiés, par rapport au total des décès attribués à cette infection dans ces pays selon des données encore préliminaires. Pour la Belgique, ce taux s’établirait à 42 %, l’Italie à 53 %, l’Espagne, 57 %, la France à 45 % et l’Irlande à 54 %, d’après les données récoltées au cours de la première quinzaine d’avril 2020. Il y a peu d’informations concernant de nombreux pays. En outre, les systèmes d’enregistrement liés au coronavirus dans les maisons de repos et de soins varient selon les pays et même les régions. Par ailleurs, le fait que très peu de pays testent systématiquement les personnes dans les Maisons de Repos et de Soins ou EHPAD (résidents et personnel soignant) complique l’estimation du nombre d’infections et de décès. Selon les auteurs de ces recherches, compte tenu de ce manque de tests, il semblerait que la meilleure manière d’estimer l’impact sur la mortalité du coronavirus dans ces établissements serait de comparer les données de mortalité de la période de la pandémie à la mortalité des années précédentes à la même période de l’année. Dès lors, l’INSEE, Institut National français de Statistiques, a publié, le 10 avril 2020, des données montrant qu’au cours du mois de mars 2020, il y a eu, par exemple, 11,9 % de décès en plus dans les Maisons de Repos qu’en mars 2019. Il a donc eu 10,4 % de décès en plus sur l’ensemble de la population âgée de plus de 70 ans18-21.

Dispositifs de soutien psychologiques pour les personnes âgées

La crise sanitaire liée au COVID-19 est venue bouleverser le quotidien de nombreux résidents en EHPAD ou en Maison de Repos et de Soins. Quelles sont les stratégies mises en place pour faire face au confinement de nos ainés et surtout, à la solitude exacerbée ? Tous les patients âgés du Covid-19 n’en décèdent pas. Qu’advient-il alors des survivants ? Le taux de mortalité n’est que la partie dévoilée de l’iceberg. Les études concernant le COVID-19 et les personnes âgées devraient explorer ce qui ne se voit pas encore. L’isolement, décidé par le politique pour minimiser le danger lié au coronavirus entraîne lui-même des risques particuliers pour la personne âgée car, la grande difficulté, c’est qu’on n’a pas encore la capacité scientifique de déterminer la balance bénéfice – risque du confinement et de l’impact psychologique. Actuellement, tant le politique que les professionnels de la santé de terrain ont tenté de parer au plus urgent : gérer la crise sur le plan sanitaire et logistique mais sur le plan psychologique les données sont encore quasi inexistantes.

Le Syndrome de glissement chez la personne âgée en Maison de Repos et de Soins

Le syndrome de glissement reste une identité psychopathologique encore mal connue en gériatrie. Ce concept est apparu dans la littérature médicale française dans les années 1950 et décrit par le gériatre, Jean Carrié comme « un processus d’involution et de sénescence porté à son état le plus complet »22. Il renvoie donc à la perception d’un état dans lequel la personne âgée semble sciemment se laisser aller vers sa propre mort. Médicalement, il s’agit d’un état de décompensation rapide de l’état général survenant à la suite d’une affection aigüe. On pourrait donc définir le syndrome de glissement par un état de grande déstabilisation physique et psychique marqué par l’anorexie, la dénutrition, l’adipsie (refus de boire pour s’hydrater), de se lever, de communiquer, le sujet demande à ce qu’on le « laisse tranquille », un état confuso-dépressif à manifestation somatique, avec un désir de mort probablement inexprimé23. Spécifique de l’âge avancé, le « syndrome de glissement » est donc une détérioration rapide de l’état général, déclenchée par une affection aigüe médicale (infectieuse, vasculaire, virale comme par exemple, le COVID-19), chirurgicale ou psychique, dont il est séparé par un intervalle libre où la personne âgée semble en bon étatCe syndrome évolue en quelques jours ou semaines au maximum, et peut conduire à la mort en l’absence de prise en charge thérapeutique et souvent, malgré cette dernière, dans un tableau de déclin fonctionnel et de dépression sévère24. Dès lors, la personne âgée assiste à l’effondrement de tout son être psychique et physique démontrant sa fragilité extrême. Il est considéré comme « glissant vers la mort »25. Dès lors, il est aujourd’hui important de rester prudent quant à cette possible réponse clinique de la personne âgée ayant vécu une quarantaine prolongée. Le syndrome de glissement sera-t-il un dommage collatéral dans les mois qui suivront le déconfinement ? Facteur à observer dans les mois à venir.

Qu’en est-il de ce concept de syndrome de glissement « après confinement » suite à la pandémie du coronavirus ?

Actuellement, nous connaissons peu de choses sur les conséquences psychologiques suite au confinement majoré (au-delà de 14 jours) conséquent à la pandémie du coronavirus chez les sujets âgésMais nous pourrions imaginer que les conséquences peuvent être identiques à toutes autres situations traumatisantes qui auraient pu survenir dans des contextes différents. Il serait intéressant d’observer l’évolution des réactions des sujets âgés sortis des cohortes d’isolement Covid-19 en Maison de Repos et de Soins ou Ehpad. Nous pourrions également attirer l’attention des soignants sur le principe du « lien d’attachement »En effet, privé pendant un certain temps de ce lien (à la famille, au personnel de référence, au médecin traitant), la personne âgée peut verser dans l’insécurité et manifester des comportements 4 d’agitation ou de dépression . Par ailleurs, pour le personnelsoignant, s’occuper d’une personne âgée qui fait un syndrome de glissement n’est pas une démarche aisée car l’image d’un patient glissant peut s’avérer traumatique. Le soignant peut en arriver à avoir des attitudes de rejet ou de surprotection face à la violence du glissement et la dépendance totale projetée par la personne âgée sur le soignant. Dans ce contexte, la relation soignante est indispensable. Les soins de maternage sont primordiaux. A l’instar de « la mère suffisamment bonne » décrite par Winnicot26,27 les « soins suffisamment bons » sont à soutenir de façon rigoureuse en gériatrie et peut-être, principalement, pendant ET après l’isolement vécu par la personne âgée. Les soins corporels ont une grande valeur dans le syndrome de glissement : le « holding » et le « handing » offrent à cette période de la vie, une contenance psychique et physiqueCette contenance permet des moments d’intégration psychosomatique ainsi qu’un réinvestissement libidinal du corpsUne parole décrivant les soins, un mot évoquant quelques événements anodins permet de faire le lien entre les sensations corporelles et le monde extérieur et ainsi favoriser la remise en route de la pensée.

CONCLUSION

L’impact psychologique des mesures de confinement est plus large, substantiel et sans doute durable. Les répercussions psychologiques du confinement tant pour le personnel soignant que pour nos aînés de plus de 70 ans vont certainement dépendre de sa durée. Nous devons dès lors revisiter toutes nos connaissances sur l’accompagnement de la personne âgée et les soins gériatriques en Maison de Repos et de Soins et apprendre à réagir de façon plus efficace à toute nouvelle épidémie tant sur le plan social que sur le plan psychologique. L’insuffisance d’études concernant l’impact psychologique sur le confinement auprès des personnes âgées et des soignants en institution en Europe nous laisse à penser que le politique et les experts médicaux n’ont pas été préparés à cette crise sanitaire et, à défaut, ont dû agir sur l’aspect urgentissime afin de mettre des stratégies en place pour y répondre. Il nous faudra certainement du recul et des études statistiques plus approfondies à comparer avec celles réalisées aux études précédemment sur des épidémies moins longues et dans des zones géographiques plus petites comme le SRAS en 2003, Ébola en Afrique ou le H1N1, plus récent en Europe, dans le but d’analyser et comparer les conséquences médico-psycho-sociales de cette pandémie. Par ailleurs, les études réalisées sur le COVID-19 semblent généralement orientées sur les statistiques de cas relevés dans différents pays, sans doute, dans le but de mesurer les courbes ascendantes et descendantes de l’évolution de la pandémie afin de mettre en place les stratégies de déconfinement par la suite. Pour conclure, il sera judicieux, nous semble-t-il, de comparer, dans chacune des Maisons de Repos, les ressources mises en place au moment de la crise tant par personnel soignant au sein de la Maison de Repos ou l’EHPAD que pour les résidents pendant la crise sanitaire; observer l’impact psychologique de tout cet environnement après le confinement.

Remerciements : Nous remercions le Pr Pascal Janne et le Dr Daniel Duray pour leurs conseils et encouragements.

RÉFÉRENCES

  1. Brook, Samantha K. et al. The psychological impact of quarantine and how to reduce it : rapide review of evi- dence. The Lancet.2020; 395:92-20

  2. Rubin GJ, Wessely S. The psychological effects of quaran- tining a city. BJ. 2020;368: m313

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  4. Bowlby J. Le traumatisme de la perte. Attachement et Perte, 3. Paris:PUF, le fil rouge ; 1984:19-38.

  5. Graux P. Le syndrome de glissement. Actual Gerontol. 1978;12:21-3.

  6. Delomier Y. Vers une définition restrictive du syndrome de glissement. In : L’intrdisciplinarité gérontologique, Actes du 4ième congrès international francophone de géronto- logie. Montréal : Maloine;1990:533-541).

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  9. Noulet JF, Joris M, Van de Berg L. https :www.rtbf.be/info/ societe/detail coronavirus-en-Belgique-pres-de-20-des- residents-de-maisonde repos-testes-positifs-les-2-3-sont- asynmtopatiques ?id=10489473

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 27. Winnicott DW. 1956-1958. La mère suffisamment bonne. Paris:Payot;2006.

AUTEUR CORRESPONDANT

CARINE DURAY-PARMENTIER

Centre de Psychothérapie de Namur Rue des Oeillets 25 - 5020 Vedrin (Namur) E-mail : carine.durayduray@gmail.com

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